par Lucas le 15-01-2019 à 10:34
Découvrez le témoignage de Serge Flick, 59 ans, qui nous a rejoint en septembre 2014 en tant qu’ouvrier polyvalent. Malvoyant, Serge travaille dans l’atelier de conditionnement.
Quel est votre parcours professionnel ?
J’ai un brevet des compagnons en menuiserie. Avant de trouver mon poste actuel, j’étais salarié pendant 34 ans dans une société de grande distribution, au début en tant que menuisier au service technique. Mais ma vision a diminué donc je ne pouvais plus travailler sur les machines, c’était trop dangereux, je risquais de me couper un doigt.
C’est lors d’une visite à la médecine du travail en 1989 qu’on m’a diagnostiqué un problème visuel. J’ai donc monté un dossier qu’on appelait à l’époque COTOREP (maintenant MDPH) pour obtenir une reconnaissance de travailleur handicapé (RQTH). J’ai une maladie depuis la naissance et ma vue s’est encore dégradée à l’âge adulte. J’ai aussi d’autres problèmes de santé qui font par exemple que je ne peux pas porter des charges trop lourdes.
J’ai obtenu la RQTH en 1991. Au début, j’ai continué au service menuiserie mais je n’utilisais plus les machines. J’ai toujours eu un métier polyvalent : je triais et réparais les palettes, je faisais aussi de la peinture, du jardinage, etc. J’ai ensuite été manutentionnaire au service logistique.
Malheureusement j’ai subi un licenciement économique en avril 2014 à mon plus grand regret, moi qui pensais terminer ma carrière dans cette entreprise. Heureusement, j’ai été accompagné par une cellule de reclassement qui m’a soutenue et m’a appris à rédiger un CV et simuler des entretiens d’embauche. Quand j’ai été engagé en 1979, je n’avais pas besoin de tout ça. J’ai également suivi des cours d’informatique, pour apprendre le traitement de texte et les bases d’internet. Je m’en sers encore aujourd’hui à la maison, pour lire l’actualité ou faire des recherches sur internet.
Comme j’avais une reconnaissance travailleur handicapé, j’ai demandé à ne plus travailler dans le milieu ordinaire. Je souhaitais travailler en ESAT ou en entreprise adapté car le milieu ordinaire, dans lequel j’avais pourtant fait toute ma carrière, n’était plus adapté pour moi. Mon taux de handicap (ou taux d’invalidité) est entre 50 et 79% donc je n’ai pas droit à l’AAH (Allocation Adulte Handicapé). Je ne pouvais pas travailler en ESAT car mon handicap n’est pas assez lourd, il faut au moins 80% de taux d’invalidité. Je me suis donc renseigné sur les entreprises adaptées et j’ai repéré l’Association des Aveugles, qui s’appelait comme ça à l’époque. L’avantage c’est que l’entreprise n’est pas trop loin de chez moi : je n’ai pas le permis du fait que je ne vois rien d’un œil et que je vois très mal la nuit. Je me déplace donc grâce aux transports en commun : j’ai environ 45 minutes de trajet en bus pour venir travailler.
J’ai donc fait mon CV et ma lettre de motivation avec l’aide de l’organisme de reclassement. J’ai eu un entretien puis j’ai été embauché, d’abord pour un CDD de trois mois puis pour un CDI. J’ai eu de la chance de trouver aussi vite, je n’ai passé que 5 mois sans emploi.
Quelles sont vos tâches dans l’entreprise ?
Ici, le travail me plait vraiment. Je suis polyvalent : j’ai démarré au service expédition, j’ai continué à la papeterie puis au service brosserie et à la préparation des commandes. Je me suis familiarisé avec les différentes références et termes technique en brosserie. Je travaille aussi dans l’atelier de conditionnement, quand on a des demandes particulières de clients pour faire par exemple du tri, de l’emballage ou de la mise sous pli.
Je suis autonome à la maison et au travail j’effectue les tâches qu’on me donne. Si je ne sais pas faire ou je n’arrive pas à le faire à cause de ma vue, je n’hésite pas à le dire, il n’y a pas de honte à ça. J’essaie de faire mais si ce n’est pas possible, je le dis au chef d’atelier.
L’entreprise et les métiers sont aussi bien adaptés aux personnes qui ont des problèmes visuels ou des soucis de santé. Dans mon précédent travail, j’étais tout le temps debout, on n’avait pas le droit de s’assoir. Ici, je peux faire certaines tâches assis, c’est moins fatigant pour moi. Je peux porter des charges jusqu’à 10 kilos maximum. Quand il y a des choses lourdes à porter, on utilise des machines (gerbeur, tire-palettes) ou alors je demande à un autre collègue de m’aider pour que l’on porte à deux.
Aujourd’hui, j’ai 59 ans. Si ma santé me le permet, je travaillerai jusqu’à 62 ans et prendrai ma retraite. Mais si ma situation se dégrade, je serai obligé de partir avant. Tant que je peux travailler, je travaille. J’ai de la volonté. Actuellement, le taux de chômage est très important pour les handicapés donc je suis content d’avoir du travail. Mon handicap est parfois difficile, il y a des hauts et des bas, mais il y a des personnes dans des situations bien pires, qui ne peuvent pas travailler.
Qu’aimez-vous faire quand vous n’êtes pas au travail ?
Au niveau personnel, j’aime me promener en forêt pour me changer les idées. Je suis l’actualité, ce qui se passe dans le monde et je m’intéresse aux sujets économiques. Je lis la presse, par exemple Les Échos. J’arrive encore à lire avec mes lunettes, même si cela me fatigue quand même les yeux. Je regarde aussi le foot mais je ne peux pas faire de sport à cause de ma santé. Je dois aussi m’occuper de mes parents qui sont assez âgés.
Crédit photo : Benoît Laugel – Fédération des Aveugles Pôle Travail
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